Poulet portugais et poutine à leur apogée dans cette churrascaria montréalaise
Une institution qui sert la meilleure rôtisserie et une poutine emblématique, fusionnant deux traditions culinaires qu’elle a contribué à façonner.
À toute heure du jour, une file s’étire sur la rue Rachel. Qu’il fasse une chaleur écrasante ou un froid mordant, peu importe : les gens attendent Ma Poule Mouillée.
Avec son poulet grillé sur charbon de bois et badigeonné de piri piri, son chorizo fumé qui claque sous la dent et sa poutine québéco-portugaise incontournable, cette churrascaria est passée de simple rôtisserie à rituel culinaire.


Photograph: Audrey-Ève Beauchamp / @audreyeve.beauchamp
Du Portugal au Plateau
Pour Antonio “Tony” Alves, ouvrir une rôtisserie n’a jamais été une décision prise sur un coup de tête.
« J’ai toujours rêvé d’avoir quelque chose à moi », dit-il après avoir passé vingt ans chez Romados, l’adresse de référence pour le poulet portugais sur le Plateau, avant de se lancer en solo en 2013.
Né à Arcos de Valdevez, au Portugal, Alves est arrivé au Québec à 18 ans, sans intention de s’installer. « Mais je suis tombé amoureux de la province », explique-t-il. Son intégration dans la communauté portugaise montréalaise lui a permis de garder un lien avec ses racines, tout en devenant un pont entre deux traditions culinaires.
C’est justement cette fusion qui a mis Ma Poule Mouillée sur la carte. Pourtant, Alves admet sans détour qu’il n’a jamais aimé la poutine.


Photograph: Audrey-Ève Beauchamp / @audreyeve.beauchamp
« Je n’en ai jamais mangé et je ne suis pas fan du fromage, mais mon fils a absolument insisté pour qu’on en ajoute au menu en mélangeant le Québec et le Portugal », raconte Alves.
Quitte à en faire une, autant bien la faire.
Le résultat ? Une bête de compétition : du poulet rôti maison, des tranches épaisses de chorizo grillé, du fromage São Jorge et une sauce fumée légèrement aillée. Une des poutines essentielles du Québec.
Feu, fumée, simplicité
La cuisine d’Alves repose sur une apparente simplicité. « C’est très simple », dit-il, avec cette nonchalance qu’on acquiert après des décennies de métier.
Le poulet est coupé en deux, mariné pendant 24 heures, puis grillé sur charbon pendant environ 40 minutes. « C’est une viande que tout le monde aime et qui est rapide à préparer. Quand Ma Poule Mouillée a ouvert en 2013, on avait plusieurs options sur le menu… mais avec le temps, on a remarqué que c’était surtout pour le poulet que notre quartier venait », explique Alves.


Photograph: Audrey-Ève Beauchamp / @audreyeve.beauchamp
À chaque commande, le poulet est découpé à la minute et badigeonné (littéralement, avec un pinceau) de sa célèbre sauce à base de piments piri piri—offerte en version douce ou épicée, même si pour vivre l’expérience complète, il n’y a qu’une seule bonne réponse.
C’est cette sauce qui fait la différence, insiste Alves. « On nous appelle même pour savoir si on peut la livrer », dit-il. Et quand les clients ne peuvent pas la recevoir chez eux, ils prennent volontiers la route pour venir la chercher.


Photograph: Audrey-Ève Beauchamp / @audreyeve.beauchamp
Un lieu hors du temps
Malgré une demande toujours grandissante, Ma Poule Mouillée est resté fidèle à son modèle de service au comptoir, rapide et efficace. « Je n’ai pas l’intention d’agrandir », confie Alves.
« Mon rêve est déjà réalisé, et c’est énormément de travail—heureusement que mes enfants et ma femme sont là pour m’aider. On est toujours sur place. »




Photograph: Audrey-Ève Beauchamp / @audreyeve.beauchamp
Le restaurant fonctionne avec une précision chirurgicale : on passe commande, on prend son plateau et on tente de s’asseoir à l’une des tables serrées—si on a de la chance. Sinon, c’est un festival de plats à emporter, les sandwichs et les assiettes quittant le comptoir à la chaîne. Aucune option de livraison. Vous prenez le métro, votre vélo ou votre voiture, et vous venez chercher votre commande.
Si la machine est si bien huilée, c’est à cause du volume impressionnant : « On produit une tonne de cuisses de poulet », explique Alves, qui se retrouvent dans les sandwichs, salades, assiettes et poutines. Quelques clins d’œil à sa famille figurent aussi au menu—le Combo Véronique (quart de poulet et chorizo) et le Mike Alves (quart de poulet, chorizo et bifana) portent les noms de ses enfants.


Photograph: Audrey-Ève Beauchamp / @audreyeve.beauchamp
Le plat qui a fait une institution montréalaise
Douze ans plus tard, rien n’a changé : ni la méthode, ni le menu, ni le rythme effréné. Et Alves ne voudrait pas qu’il en soit autrement.
« On travaille toujours de la même manière et on est restés les mêmes », dit-il.
Ma Poule Mouillée s’est imposé comme un pilier du Plateau. Beaucoup diront qu’on y mange la meilleure poutine et le meilleur poulet portugais de Montréal. Ce qu’Alves a bâti, c’est un équilibre parfait entre une tradition culinaire intemporelle et un esprit résolument montréalais.
Demandez à n’importe qui dans cette file d’attente, et ils vous diront : ça en vaut la peine.
